Troisième moment - La deuxième maxime : être le plus ferme et résolu, Descartes - Extrait et questions

Modifié par Margot_dns

Extrait  :

Ma seconde maxime était d’être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses lorsque je m’y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées : imitant en ceci les voyageurs, qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en  tournoyant tantôt d’un côté tantôt d’un autre, ni encore moins s’arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu’ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n’ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir ; car, par ce moyen, s’ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d’une forêt. Et ainsi les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c’est une vérité très certaine que, lorsqu’il n’est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables ; et même qu’encore que nous ne remarquions point davantage de probabilité aux unes qu’aux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques unes, et les considérer après, non plus comme douteuses en tant qu’elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle. Et ceci fut capable dès lors de me délivrer de tous les repentirs et les remords qui ont coutume d’agiter les consciences de ces esprits faibles et chancelants qui se laissent aller inconstamment à pratiquer comme bonnes les choses qu’ils jugent après être mauvaises.

René DESCARTES, Discours de la méthode (1637), Gallimard, collection Tel, Paris, 2009, p. 97-98.


Questions :

1. Quel est le contenu de la deuxième maxime ? 

2. Explicitez le sens des notions de fermeté et de résolution, en montrant leur lien avec la volonté

3. Expliquez : "De ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées". 

a) Pourquoi est-il sage de faire comme si ses opinions étaient certaines ?

b) Quelles conséquences y aurait-il à ne pas adopter cette maxime ?

c) Pourquoi, dès lors, Descartes prend-il la résolution de tenir pour certain ce qu'il sait être incertain ? 

4. En quoi est-ce là l'application d'une décision, un acte de volonté ? 

5. Expliquez l'image du voyageur égaré dans la forêt :

a) Formulez-la pour commencer en des termes usuels.

b) Puis reformulez-la en mobilisant les concepts d'opinion, de certitude/incertitude, de résolution, de maxime - ou des termes qui leurs sont apparentés.

6. Pour quelle raison ne devons-nous pas changer d'avis, c'est-à-dire de direction, pour "de faibles raisons" ? 

7. Expliquez "les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c'est une vérité très certaine que, lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables".

a) Analysez l'urgence de l'action, par différence avec la possibilité, dans le domaine de la connaissance, de suspendre son jugement.

b) En l'absence de certitude, nous pouvons cependant être certain qu'un principe d'action est le meilleur de tous : pourquoi ?

c) En quoi consiste-t-il ? Analysez le concept de "probable", par différence avec le "vrai".

8. Si tout est égal, si aucune décision ne semble meilleure, que choisir ?

9. Analysez la référence au hasard. 

a) En quoi divaguer au hasard dans la forêt condamne-t-il à en rester prisonnier ?

b) En quoi une décision opérée au hasard peut-elle, quant à elle, constituer la résolution d'un choix auquel ensuite se tenir ?

10. Expliquez "nous devons néanmoins nous déterminer à quelques-unes, et les considérer après, non plus comme douteuses, en tant qu'elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle."

11. Une telle maxime n'est-elle pas étonnante ? Ne dit-on pas qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ?

12. Cherchez le sens du mot "paradoxe", en partant de son étymologie, puis analysez le paradoxe de cette deuxième maxime. 

13. Discutez la pertinence de la deuxième maxime de Descartes.

a) Dans quelle mesure est-elle conforme à la raison ?

b) En quel sens du terme de "raison" ? 

14. En quoi cette deuxième maxime nous délivre-t-elle du "repentir et du remords" ? 

a) Définissez ces deux termes.

b) Dès lors que nous suivons une maxime ferme, peut-on regretter d'avoir agi comme nous l'avons fait ?

15. Montrez que cette seconde maxime repose tout entière sur la liberté humaine, en réfléchissant à ce que présuppose l'idée même d'un choix.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/philosophie-terminale ou directement le fichier ZIP
Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0